KGB (Donalds Sutherland)

Nous étions a Irvine en Californie, Jean Martial Lefranc, Rémi Herbulot et moi pour un rendez-vous avec Martin Alper, le big boss de Virgin Games aux US. Après la signature du ralliement de l’équipe entière de feu ERE INFORMATIQUE chez Virgin Loisirs, sous la houlette de Jean Martial Lefranc et Frank Herman, il fallait discuter de la ligne éditoriale.  Martin Alper et Frank étaient impressionnés par le succès de Captain Blood  et très vite Martin a prononcé le mot « Dune » ;@  mais il fallait obtenir les droits. Droits du livre de Frank Herbert ? Ou droit du film de David Lynch ? Wait and see…

J’avais, par provocation, un petit pins a ma boutonnière. Un authentique pins du KGB acheté dans un marché de Loubiana.  Martin me  fit remarquer que j’était culotté de me balader avec un truc pareil aux US. Mais cela suscita une discussion sur les services secrets et l’idée germa de faire une série de jeux d’aventures : >KGB, CIA, M16, MOSSAD…

C’est ainsi que naquis l’idée de KGB.

Quelques mois plus tard, après la sortie de la version disquette, Martin nous demanda une version CD rom, on passait de 1,5 Mo a 612 Mo 🙂 C’est ainsi que je proposais l’idée de rajouter un personnage en vidéo qui aiderait le joueur. Johan Robson écrivit plusieurs centaines de phrases qui devaient êtres dites par un comédien. Virgin proposa Sean Connery, ce fut Donald Sutherland qui accepta le rôle :))

Crédits

Designed by Johan Robson
Produced by Jean Martial Lefranc
Directed by Yves Lamoureux
Background graphics by Michel Rho
Character graphics by Didier Bouchon
Animations by Sohor Ty
PC music by Stéphane Picq

© 1992 Cryo Interactive Entertainment – Virgin Entertainment

 

 

 

 

The KGB File

Welcome to The KGB File! This website is dedicated to a better understanding of the amazing game KGB, developed by Cryo Interactive Entertainment and released in 1992 by Virgin Entertainment, on PC and Amiga.

KGB

KGB remains to this day a unique and excellent game, and is one of my favourites of all time. It’s also very challenging. It trusts your intelligence to understand what’s going on without spelling it out for you. Because of the complexity of the story and the large amount of characters, it can be difficult to understand at times, especially since the ending is rather abrupt and you may be left with more questions than answers when you finish the game. This is why I made this website.

This website is for you if you have finished KGB and still have questions you’d like to see answered.

This website is not so much for you if you’ve never played and finished KGB. There are major spoilers everywhere, so if you haven’t finished it yet, I advise you to stop reading, bookmark this website, and come back when you’re done playing this amazing game.

The KGB File contains a comprehensive analysis of the plot and the characters, a F.A.Q. section to resolve the plot points that most commonly puzzle players, a short history section if you are unfamiliar with the historical events referenced in the game, as well as a walkthrough, mainly to be used as a reference if you’ve forgotten something since the last time you played.

Before you start reading, I must say that I can explain with certainty about 95% of the story, but after playing the game inside and out, I have reached the conclusion that the remaining 5% is never given a definitive explanation and is thus open to interpretation. You must use your imagination to fill in the blanks.

KGB or Conspiracy?

KGB is a great and self-sufficient game, that doesn’t need any update or enhancement. However, it was later rereleased on CD in a new version renamed « Conspiracy ». This new version adds poorly made videos starring Donald Sutherland (in the role of Rukov’s father), which really bring nothing to the gameplay and even distract from it. It also replaces every instance of the word « KGB » within the game with the word « Conspiracy », which is pretty lame in my estimation. I strongly recommend you play the original KGB.

Henri Salvador (articles)

Melody:

En 1975, Henri SALVADOR s’investie dans un projet totalement différent, celui d’un conte musical nommé « Emilie Jolie », écrit par Philippe CHATEL, où il incarnera le conteur, et y chantera plusieurs titres. Télévision, scène, tout s’enchaine parfaitement jusque dans les années 80, où la machine s’enraye quelque peu.

En effet, le métier à qui Henri SALVADOR a tant offert, semble se tourner contre lui, et ses passages en télévision se font de plus en rare jusqu’à la fin des années 90. Durant tout ce temps, Henri SALVADOR se consacre à la pétanque à haut niveau, mais ne délaisse pas pour autant la musique avec la sortie des albums « SALVADOR en fête », « Henri », « Des goûts et des couleurs », « Monsieur Henri ».

De dernier album datant de 1994, il faudra attendre plus de 6 ans avant de découvrir un nouveau projet du chanteur. Ainsi en 2000 sous l’impulsion de Benjamin BIOLAYPhilippe ULRICH et Keren ANNHenri SALVADOR présente l’un de ses plus beaux albums « Chambre avec vue », avec l’un de ses plus intenses titres « Jardin d’hiver ».

Comme un clin d’oeil, deux an avant sa disparition, Henri SALVADOR, dévoile « Révérence », son ultime album, et met un terme à sa carrière lors d’un dernier spectacle donné au Palais des congrès de Paris le 21 décembre 2007.

Henri Salvador est mort ? Le show-biz l’avait pourtant déjà tué plusieurs fois !

Le bon roi Henri est mort, et tout le monde va y aller de sa larme, y compris notre président qui va se sentir obligé d’assister à ses funérailles, étant donné ses prestations antérieures en la matière. Henri Salvador est mort, mais on avait déjà tenté de l’assassiner à plusieurs reprises, car notre nonagénaire n’avait pas eu la carrière qu’il espérait ni qu’il méritait : son décès aujourd’hui, pointe amèrement sur un show-biz qui l’a contraint à faire dans l’alimentaire pour se voir en fin de parcours reconnaître comme autre chose qu’un simple amuseur public.

Henri Salvador est mort en tenant sa revanche, au moins, sur les gens qui n’ont pas cru en lui et qui l’ont encensé cinquante après. Ça lui fait une belle jambe, me direz-vous, mais je pense que dans son rire, qu’il avait forcé, il y avait pas mal de rancœur sourde sur les années noires qu’on lui a fait subir à marche forcée.

Au départ, Salvador est un jazzman, et un bon : débarqué de sa Guyane natale à 12 ans, il dut fuir la France en 1941, les autorités de l’époque ayant affiché un racisme patent qui lui faisait craindre le pire, même vis-à-vis des coreligionnaires des « colonies » comme on disait encore. Soldat à 22 ans, il passe en zone libre et rejoint l’Amérique du Sud, où, repéré au départ (dès 1935, à 18 ans) par Django Rheinardt, il sera le guitariste de Ray Ventura pour lequel il improvise chaque soir des facéties dont il a le secret. Très vite, alors que le jazz le titille, on lui fait comprendre chez Polydor que « ce que préfèrent les Français » ce sont les chansons amusantes et non les chansons à texte, où vont bientôt se casser les dents un Brassens, puis un Brel et enfin un Ferré, tous honnis ou presque de leur vivant, ou en tout cas sévèrement vilipendés par certains qui leurs reprochent leur langage trop « cru ». Le Gorille, écrit dans un baraquement du STO, par exemple, comme chanson, sera des années durant interdit d’antenne pour outrages aux bonnes mœurs. Et c’est finalement Brel qui brisera le carcan de cette pensée typiquement petite bourgeoise en s’attaquant de front à deux de ces fiefs, la religion et les « bonnes manières« . Pour mémoire, il faut savoir que Brassens avait pourtant supprimé le couplet final initial du Gorille, qui disait ceci :

Nous terminerons cette histoire
Par un conseil aux chats-fourrés
Redoutant l’attaque notoire
Qu’un d’eux subit dans des fourrés :
Quand un singe fauteur d’opprobre
Hante les rues de leur quartier
Ils n’ont qu’à retirer la robe
Ou mieux à changer de métier.

Brassens, Brel et… Ferré, ce dernier chapeautant le tout après un discours diantrement plus libertaire, qui le fera longtemps exclure des antennes radio et ne jamais passer à la télévision. En ce sens, la photo la plus célèbre des trois réunis le 6 janvier 1969 dans le local du magazine Rock and Folk est leur consécration par une partie de la jeunesse qui leur reconnaît (enfin !) un statut de maîtres à penser que les adultes ont violemment contesté, notamment au Figaro où se sont illustrés des rédacteurs devenus « célèbres » pour les avoir traînés dans la boue. Un Ferré très lucide sur les fameux goûts des Français :

« Il y a des gens qui reçoivent d’abord la musique, d’autres qui reçoivent d’abord les paroles. Les gens les plus intelligents reçoivent d’abord les paroles. Les gens les plus sensibles – et peut-être les moins intelligents, ce qui est possible aussi – reçoivent d’abord la musique. Ce qui fait que j’ai pu faire connaître Baudelaire à des gens qui ne savaient pas qui était Baudelaire ».

Dans l’après-guerre, c’est différent : on s’essaie à tout. Le Be-Bop, bien entendu, qui fait la joie des caves de Saint-Germain, et les tout débuts de la chanson à texte… qui dérive vite sur la paillardise, les rois en étant les 4 barbus, qui resteront jamais célèbre pour avoir écrit La Pince à linge, l’un des textes les plus hilarants jamais écrits, sur le thème de la 5e de Beethoven. Avec leurs têtes d’instituteurs (et leurs barbiches en colliers), ils ne franchiront malheureusement jamais la frontière du grand public et du tiroir-caisse qui va avec. Pour réussir, il faut faire autre chose. C’est Boris Vian qui s’y lance avec une parodie de rock, que ce mauvais jazzman détestait. L’album qui sort en 1956 réalisé par Michel Legrand et Boris Vian se moque outrageusement des rockers façon Little Richard chantant Tutti Frutti… Salvador signant la musique de Rock Hoquet... mais sous le pseudonyme finaud d’Henry Cording. Le sommet étant atteint avec le Blouse du dentiste, parodie rondement menée de blues… lancinant. L’album se vendra certes, mais nettement moins que la déferlante qu’il était censé dénoncer. La consécration rapide décrochée par le grand prix de l’Académie Charles Cros pour Maladie d’amour, qu’il a décroché en 1949 ne lui procure pas les ventes espérées.

Chanson pour amuser, certes, mais à l’aube des années 60, Salvador ne vend encore rien ou tout comme : il n’est pas assez bellâtre pour jouer les tombeurs, pas assez jazzman pour faire carrière dans le jazz, et pas encore assez amuseur pour vivre de ses disques. L’album de 1955 avec une belle photo Harcourt de notre jazzman et sa guitare reprend ses succès de 1952, dont Clopin-clopant, C’est le be-bop, et le petit bijou qu’est Le loup, la Biche et le Chevalier (Une chanson douce), mais aussi Maladie d’amour, clin d’œil exotique et amusé à la négritude : notre homme, dans chacun de ses disques, joue sur les trois facettes de son talent. A noter que dans ses tout premiers titres figure Le Collaborationniste, où il s’en prend à Sacha Guitry, dont il moque la diction ampoulée. Guitry vient d’échapper de peu au peloton d’exécution. Le texte est mordant et la prose acerbe. Salvador n’est pas seulement qu’un agneau aux yeux de biche et se souvient des sombres heures de son pays.

Au seuil des années 60, il en a déjà vendu quelques-uns et, au lieu de tout brader, dans une vie de vedette de la chanson (belles voitures, jolies filles, etc.) il investit dans son propre avenir… en faisant sécession et en claquant la porte avec fracas de sa maison de disques, qu’il accuse de ne pas s’occuper assez de sa carrière. En 1961, il fait un bras d’honneur à Barclay, trop intéressé par ses dividendes, et fonde sa propre société d’édition : « Les disques Salvador« , distribués par Philips. Salvador devient le tout premier en France à s’autoproduire, et ça produit un séisme dans le métier. Salvador, qui a rompu la chaîne du profit qui prévaut à l’époque, est mis à l’index de la profession. Pour faire ses disques, il devra un peu plus tard construire son propre studio : on lui fait bien comprendre que certains lui sont désormais fermés. Salvador est alors un paria dont on souhaite la disparition au plus vite de la scène de la chanson française. Il a brisé un tabou : on ne quitte pas comme ça une maison de disques !

En 1962, on offre à Henri Salvador la possibilité de réussir un rêve : Bernard Dimay lui écrit Syracuse, qui le propulse crooner, en pleine époque des Bing Crosby. Hélas, celui qui va tirer les marrons du feu de la chanson c’est un vieux rival du monde du Jazz à la française : Jean Sablon, qui représente davantage aux yeux du public de l’époque le chanteur attirant les femmes (Sablon a déjà 56 ans alors que Salvador est plus jeune : 45 ans) et, plus tard, encore c’est Yves Montand qui rafle un nouvelle fois la mise avec le même titre, en place de Salvador qui repart dans la case « amuseur ». Salvador sort juste en effet du Lion est mort ce soir, une adaptation d’un titre américain qui vient juste de le rendre enfin célèbre. Personne n’avait pensé à ce titre imaginé en 1939 par Solomon Linda et les Evening Birds, et devenu en aussi peu de temps un traditionnel intemporel. Toute la France, emmenée par Salvador, chantonne « Wimoweh, » »Wimoweh ». Aux Etats-Unis, c’est Pete Seeger, apôtre de la paix et chanteur engagé qui l’a fait connaître. C’est alors Myriam Makeba qui vient de le reprendre, et Salvador est enthousiasmé par la version. On ne sait s’il a entendu la version renversante de 1952 de la non moins renversante Yma Sumac.

En bisbilles, déjà, avec Philips, Salvador, pour beaucoup, est déjà un artiste mort en 1963. Lui n’est pas en reste, avec ce show-biz qui ne l’aime plus, y croit encore, et fonde une nouvelle société, qui produit un EP (disque 45 tours à 4 titres) dont le dernier s’intitule Zorro est arrivé, une adaptation française de titre américain (Along Came Jones des Coasters, signé Lieber et Stoller !), comme environ 80 % de tout ce qui sort en « yéyé » cette année là. Salvador, ronchon, a enregistré le titre à la va-vite et n’est pas content du tout du résultat… Le hic, c’est que c’est ce quatrième titre qui va le propulser au firmament des ventes !!! Salvador est pris à son propre piège : il souhaitait faire de la chanson à texte et des ballades, il se retrouve propulsé vedette du show-biz catégorie amuseur public. De rage, dans les rééditions du 45 t, il fait supprimer la référence au titre ! Il n’empêche : devenu phénomène télévisuel avec ses pitreries, il restera scotché dans les téléviseurs pendant un bon bout de temps (vingt ans !), en ayant l’intelligence de produire lui-même ses émissions (Salves d’or) : un amuseur, certes, mais aussi un homme prévoyant. Son label « Rigolo » engrange directement les revenus de ses passages télés. Les disques sont éreintés par la critique, mais Salvador s’en fiche.

Il a déjà choisi une voie, celle qu’a expliqué un jour Leo Missir à Daniel Balavoine. Missir, le pape des producteurs des années 60-80. Un Balavoine débutant simple choriste de Patrick Juvet. J’ai eu la chance d’interviewer Balavoine, dont je n’appréciais pas le début de carrière, avant qu’il ne disparaisse : il m’avait conté alors les déboires qu’il avait eus avec sa banque, qui venait de lui refuser un prêt de 60 millions de l’époque pour l’achat d’un Synclavier, alors qu’il en ramenait le quadruple déjà par album vendu… Balavoine était scandalisé, et avait expliqué la vision de Missir qui lui avait dit en le signant qu’en France ce n’était pas sorcier : ou on chantait des trucs engagés qu’on faisait soi-même ou presque et le succès mettait trente ans à arriver, ou bien l’on acceptait tout de suite des concessions (production, orchestre, violons, parolier, etc.) et là le succès venait tout de suite, ce qui permettait de se constituer un matelas d’argent frais pour ENSUITE se produire soi-même et devenir réellement indépendant. En fait, Balavoine, par la voix de Léo Missir, venait de se faire expliquer la méthode Henri Salvador ! Et décrivait une époque qui allait arriver pour tout détruire progressivement, comme le disait si bien Léo Missir : « La première fois que j’ai été obligé de faire un devis, pour Balavoine, c’est lorsque Philips a racheté Barclay. Le marketing arrivait (rires) ! » Avec une firme de disques actuelle, c’est simple, Salvador n’y serait jamais arrivé, dès le début on lui aurait signifié « invendable« . L’homme était bien trop hors normes.

Un Salvador qui rafle au passage en 1971 un deuxième prix de l’Académie Charles Cros, le Goncourt de la musique, pour un album inhabituel et savoureux : la musique du dessin animé Les Aristochats, tout empreint de jazz… que notre phénomène a concocté presque seul dans son home studio personnel… A 54 balais, notre bonhomme joue au gamin qui découvre les joies du re-recording. En maître. Lui qui s’est fait appeler Henry Cording se marre… Car l’homme n’oublie jamais le jazz : en 1979, introduit à la télé, il rencontre un autre fêlé, Jean-Christophe Averty, qui avait tant scandalisé avec ses « Raisins verts » pour produire un bel hommage à… Boris Vian. Puis les Maritie et Gilbert Carpentier partent, Guy Lux se fâche avec tout le monde… et Salvador disparaît des écrans, fortune faite. Il part jouer à la pétanque, qu’il fait comme le reste : en faux dilettante bûcheur. Il pointe comme il mixe : des centaines de fois, avant d’attraper le bon coup de main. Mais joue au décontracté pour cacher le boulot derrière. Comme il n’y a pas de disque d’or en pétanque, il finit plusieurs fois champion de ligue d’Île-de-France. Avec un grand sourire ! Le show-biz, qui ne comprend toujours pas, l’enterre une deuxième fois : Salvador est un ringard qui joue aux boules, vous vous rendez compte !

En novembre 1982, le faux dilettante passe à l’attaque et pointe… 60 concerts d’affilée à Pantin, où le public vient découvrir un Salvador quasi inconnu, puisque ça fait à l’époque vingt-deux ans qu’il n’a pas fait de scène. Un crooner, un vrai. Avec derrière le gratin du big-band : Eddy Louiss, Maurice Vander, etc. A 68 ans bien tassés, Salvador fait un carreau sur les critiques. Dans le public, tout le gratin parisien... et le grand Moustache (qui jouera avec Zanini). Mais la mayonnaise ne prend pas pour autant, les disques issus des concerts ne se vendent pas pour autant. On pense que Salvador, à la fin des années 90 est définitivement mort pour la chanson, à défaut de l’être pour la scène. Il vit de la sortie de ses compilations, qui se vendent toujours, elles, sans efforts.

Salvador mort ? Vous n’y pensez pas : il attend douze ans et remet ça avec un album qui met tout le monde d’accord ou les autres par terre. Notre bonhomme s’est fait faire le coup de l’époustouflant Nougayork datant de 1987, qui avait relancé la carrière de Nougaro, viré de sa maison de disque (encore Barclay !) qui venait de mettre en marche ce que Missir avait pressenti : le fameux « marketing« . Cette fois-ci, pas de Marcus Miller à la basse ou de Philippe Saisse à la production : c’est Mick Lanaro qui chapeaute l’opus. Magique ! Salvador sait qu’à son âge, 77 ans, il peut TOUT se permettre. Il s’attaque même à Layla, d’Eric Clapton. Et réussit haut le pupitre son examen de passage. Il a encore bûché en cachette, mais personne ne doit le savoir ! Hélas, l’album qui pour la première fois est encensé par la critique, dont celle de Télérama, réputée pour sa méchanceté… ne se vend pas plus que ça. Mais un vieux lion n’est jamais mort : s’il ferme l’œil c’est pour mieux (re)bondir plus loin. Chez Salvador, ça prend six ans, au bas mot. En 2000, il assomme définitivement ces adversaires avec SON chef-d’œuvre, sorti à 83 ans. Chambre avec vue concocté et ciselé par Marc Domenico, en cheville avec un hyper-doué encore trop méconnu de la chanson française : Art Mengo. Domenico est là car le producteur c’est Philippe Ulrich, oui, celui de Cryo Interactive, ex-Ere Informatique pour les connaisseurs, qui vient juste de fonder son label Exxos. La maquette originale est signée Keren Ann Zeidel et Benjamin Biolay et comprend une chanson écrite par Salvador il y a quarante ans et qui n’avait jamais trouvé jusqu’ici de producteur (La Muraille de Chine). L’album monte instantanément à plus d’1,5 million d’exemplaire. Cette fois-ci tout le monde est bien d’accord. Salvador a gagné son long combat contre le show-biz en prouvant l’immensité de son talent et sa justesse de vue à être devenu très tôt indépendant. Même Libération ressort pour l’occasion Bayon, qui écrit un papier dithyrambique façon Bayon, c’est-à-dire illisible, à nous rappeler certains contributeurs d’Agoravox. Salvador, interviewé par le journal, répond à la question « comment résumer l’album ? « C’est le disque dont je rêvais »83 ans pour réaliser un rêve, on ne pourra pas dire que notre (grand) bonhomme n’était pas têtu, et que le show-biz l’a vraiment aidé durant toute sa vie. L’interview se termine par un abrupt : « Comment voyez-vous votre mort ? auquel notre enchanteur, « dont le grand plaisir était de faire des jolies choses », réponds par un « Je ne me vois pas mourir ! ». Le problème, c’est que nous non plus, Henri. On l’avait pas prévue, celle-là… la vraie.

Le Point:

Henri Salvador, l’idole des jeunes

JÉRÔME CORDELIER

Publié le  | Modifié le  Le Point
 

LIBÉRATION (un grand merci a Laurent Mauriac)

http://www.liberation.fr/auteur/9592-philippe-ulrich

Les jeux vidéo et leur monde virtuel peuvent-ils représenter un danger pour les enfants? Non. Le perdant sera celui qui n’est pas branché.

Par Philippe ULRICH — 

On peut se faire très peur en imaginant les pires catastrophestechnologiques, la jeunesse pervertie par la violence des jeux vidéo, le sexe, la folie virtuelle, ces nouvelles armes terroristes que sont les virus informatiques qui empruntent au sida leurs mécanismes de propagation. On peut blêmir en imaginant que l’argent électronique se répand sur le réseau parce qu’un ado boutonneux a trouvé la bombe qui fait sauter les barrages, ceux qui retiennent les lacs financiers. On peut se faire très peur » Pourtant, dans ce monde frappé par la catastrophe quotidienne de ce prochain avion qui tombera, de ce prochain train qui déraillera, quelle aventure humaine plus exaltante que l’Ere Techno pouvait émerger de ce nouveau millénaire? Car on peut aussi se faire du bien en pensant que l’humanité a peut-être trop longtemps attendu l’explosion cybernétique des technologies. Avec ces formidables chantiers que sont l’éducation à distance pour les pays en voie de développement, la conquête du génome humain avec ses promesses de vivre mieux plus longtemps, ces mondes virtuels à bâtir pour abriter nos âmes, nos avatars, nos cultures, nos richesses intellectuelles, littéraires, cinématographiques… qui seront bientôt accessibles à tous et de partout.

Les jeux vidéo dans leur forme vont évoluer vers plus d’immersion et seront sûrement un jour une alternative à la réalité; le leurre parfait est inscrit dans les gènes de l’évolution des technologies. Vision stéréoscopique, son spatial, projection rétinienne sont déjà sur les étagères des magasins. Tous ces outils nous rapprochent du rêve éveillé, canalisé, thématisé. Un voyage dans l’Egypte ancienne où je pourrai ressentir physiquement le monde virtuel, écouter, flâner, mais aussi vivre une aventure grâce à mon corps électronique, mon avatar. Les coups que je prendrai n’abîmeront pas mon corps physique bien en sécurité dans le réel. Je deviens un ange, je passe les murailles, je suis immortel, doué d’ubiquité, je gagne des pouvoirs magiques, je peux voler comme un oiseau et surtout je rencontre d’autres joueurs qui comme moi ont pris corps dans le virtuel; qu’ils soient à l’autre bout de la terre ne change rien, l’espace est aboli. «Ce soir je dois réviser mon anglais, je vais passer une soirée au Virtual Coliseum, une boîte de Londres, mon devoir: trouver la pulpeuse Wanda et la ramener au lycée, ça va être chaud. Demain devoir de français, je suis invité à Aden au Soudan par Arthur Rimbaud.» Nous ne rêverons pas plus, mais nous rêverons mieux et utile. Plus tard, grâce au génie génétique et aux biotechnologies, les programmes informatiques seront codés en langage cérébral, directement assimilables par le cerveau: une pilule et hop! Mais ça, c’est une autre histoire.

Quand je rencontre ces jeunes gens de la nouvelle économie, ils me confient souvent en aparté qu’adolescents, ils étaient addicts des jeux vidéo que je programmais alors. Ils sont élégants, romantiques et souvent rebelles; ils savent où sont cachés les points de vie, les bonus, les trésors. Ils connaissent les pièges et sont conscients qu’un jour il leur faudra affronter le boss de fin de niveau. Cette génération qui monte se reconnaît dans Matrix, et a déjà oublié qu’un jour, il y a bien longtemps, l’Internet et le téléphone mobile n’existaient pas. La gourmandise qu’éprouvent les plus jeunes pour les mondes virtuels est un réflexe naturel qui leur permettra d’affronter efficacement le monde de demain. Ceux qui paieront le prix de la future «techno détresse» seront ceux qui n’auront pas eu d’accès à l’Internet et qui hantent les rues en bande, et dont le seul réseau est celui du métro. Il faudrait doter chaque famille d’une connexion et d’un Quake en ligne. Quant à moi j’éprouve un plaisir infini à écrire ces mots sur mon Netbook, assis sous les tilleuls d’un bord de Seine, car je sais que sous mes doigts j’ai toute la richesse du monde. I LOVE YOU.

Philippe Ulrich est directeur créatif et co-fondateur de Cryo Interactive Entertainment.

Philippe ULRICH

L’ubiquité est un don numérique. Parce qu’au paradis numérique, toutes les oeuvres ont la faculté de se démultiplier, il est temps de reconnaître qu’elles n’appartiennent à personne.

Par Philippe ULRICH — 

Verset 1. Sur les bords du lac de Tibériade, Jésus multipliait les pains. Verset 2. Quelque temps après, les pages web, logiciels, fichiers en tout genre, se reproduisaient anarchiquement à des millions d’exemplaires sur les ordinateurs de la planète au grand dam des marchands et du législateur.

Les oeuvres de l’esprit étaient créées ou converties en format numérique. Dès lors, elles se multipliaient. Tous ceux qui surfaient sur le lac numérique créaient un nouvel exemplaire à chaque fois qu’ils étaient confrontés à l’une de ces oeuvres. Lorsque l’un d’eux disait visiter un site Internet, dans les faits, il téléchargeait ce site sur son ordinateur, il le copiait, au mépris des lois en vigueur.

Auparavant, il fallait au faussaire de la patience et du talent pour copier un tableau ou un objet d’art. A présent, toute oeuvre numérique se dédoublait sans qu’on s’en aperçoive. Chacun devenait un faussaire malgré lui. Cette notion de copie avait amené les marchands du temple à imaginer un commerce de l’objet numérique, le rêve industriel d’un nouvel âge d’or: un coût de fabrication en série nul, pas de stockage, un mécanisme d’expédition instantané et gratuit sur toute la planète et pour finir, le paiement électronique, le mythique CDIMP (Cash direct in my pocket, la thune directos dans la poche). Le législateur avait mis en place des cellules de réflexion sur le sacro-saint droit d’auteur: comment contrôler ces copies d’oeuvres de l’esprit? La réponse semblait tomber sous le sens: le tatouage des oeuvres, grâce à la mythique norme Mpeg4, rendait leurs mouvements détectables sur le Net, il suffisait d’incrémenter les droits d’auteur automatiquement à chaque arrêt de l’oeuvre chez le consommateur et voilà déclenché le sublime CDIMP (voir plus haut).

Hélas, ces solutions bien que lumineuses se révélèrent inapplicables: le Net restait un Far West où régnait une intolérable anarchie. Il y avait bien une solution pour y mettre un peu d’ordre: couper tous les tuyaux. Mais personne ne pouvait l’envisager: la fièvre était toujours là. Le Net était devenu une sorte de cerveau collectif. Plus que jamais la high-tech faisait bouillir la Bourse, l’emploi repartait. L’Internet comme un foetus de quelques heures structurait ses organes; le mutant allait remettre en cause les idées reçues, jusqu’à faire admettre que, dans le monde numérique, la notion de copie n’était plus fondée, que l’objet numérique était doué du don d’ubiquité, de cette faculté miraculeuse d’être présent en plusieurs lieux à la fois.

Démonstration: si je prends une belle image numérique et que je la copie en plusieurs centaines d’exemplaires sur un ou plusieurs ordinateurs, je défie quiconque de retrouver l’image originale à partir de laquelle j’ai effectué ces copies. Aucune expérience scientifique, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut détecter le fichier original. Je peux donc considérer que l’image n’existe pas en plusieurs exemplaires mais qu’elle existe en un seul exemplaire à plusieurs endroits à la fois et personne ne peux prouver que j’ai tort. C’est l’ubiquité.

En informatique, les faux sont vrais et on copie comme on respire. Cette ubiquité de l’information est illustrée par les caractéristiques des communautés virtuelles. Le même univers est copié dans les ordinateurs de tous les usagers et se modifie en même temps sur leurs disques durs. Mon avatar peut percevoir l’avatar de l’autre dans un espace virtuel qui existe en un seul exemplaire dans les milliers d’ordinateurs des usagers; l’espace y est aboli.

Il est temps d’admettre que l’Internet contiendra un jour toutes les oeuvres de l’esprit de l’humanité et qu’en ce sens son contenu doit appartenir à tous les hommes, comme l’air qui nous entoure et qu’on respire encore » Au paradis numérique, de nouvelles lois doivent proclamer que les anges technoïdes disposent désormais de tout pour rien puisque les oeuvres de l’esprit sont douées de l’incroyable don d’ubiquité.

Philippe ULRICH

Lire l’avenir dans une boule de silicium

Par Philippe ULRICH — 

Ceux qui maîtrisent l’informatique contrôleront l’avenir, les processeurs calculant des futurs idéaux. «Sachons nous rebeller».

Tous les accros aux jeux vidéo connaissent la 3D temps réel, cette technique qui permet de se balader dans des décors numérisés (1). Mais l’ordinateur, s’il reproduit en direct les commandes du joueur, est également capable d’anticipation, comme le montrent les programmes d’échecs. Il explore alors les arborescences à la vitesse de la lumière et tente de déterminer les scénarios possibles. Il compare avec les statistiques des événements passés et prévoit ainsi le coup gagnant.

Or, maîtriser l’avenir, c’est la clé du pouvoir. Du coup, l’informatique a son mot à dire dans la conquête de ce pouvoir et de l’argent. Beaucoup d’applications cachent déjà des procédures prémonitoires et génèrent des doses de pouvoir pour ceux qui les contrôlent. Audimat, sondages, statistiques, Bourse, etc., utilisent abondamment ces technologies. Une machine n’a besoin que de quelques secondes pour dépouiller, codifier et extraire les calculs d’une enquête d’opinion sur un panel de 1000 Français. Sans elle, il faudrait plus de trois mois à trente personnes. Quelles peuvent être les conséquences sur nos vies?

L’Audimat donne en temps réel une image des téléspectateurs d’un soir et, grâce aux statistiques passées, suggère le programme des jours à venir. L’auteur est confronté aux exigences draconiennes des producteurs qui, profit oblige, veulent capter le plus grand nombre de spectateurs. Ce processus rogne les minorités et éradique la créativité de l’auteur. C’est la culture et l’imaginaire collectif qui sont modifiés.

En marketing, qu’il s’agisse d’aliments ou d’autres produits, les calculs des statistiques, les programmes qui moulinent des milliards d’informations crachent presque la recette du yoghourt aux fraises idéale. Les sondages et les études effectués en grand secret par les constructeurs automobiles arrivent logiquement aux mêmes résultats, les voitures qui sortent des planches à dessin des divers constructeurs sont déjà quasiment identiques.

Uniformisation de la société: tous en rang pour voir le même film, remplir les mêmes Caddies, lire les mêmes revues.
«Désolé, madame Durand, votre crédit est refusé, vous allez avoir un cancer l’année prochaine.»
«La banlieue va exploser dans deux mois, chef! Le programme suggère qu’on écrive une lettre aux jeunes, ça a déjà marché.»
«Si vous faites un lifting, vous gagnerez deux points au sondage, Monsieur, ce sont les points qui vous manquent pour gagner les prochaines élections.»

Bien sûr, rien n’est encore très grave, la «4D temps prémonitoire» ­ 4D parce que la dimension temporelle est intégrée ­ est une technologie balbutiante, un foetus de quelques heures. Mais demain qu’en sera-t-il, avec la montée en puissance des processeurs et cette règle implacable de la rentabilité à tout prix? Toutes les informations seront traitées par des processeurs ultrarapides qui cracheront des projections de futurs possibles et choisiront le coup gagnant, idéal.

L’histoire nous a maintes fois prouvé que l’homme est capable de vivre comme un robot dans les tranchées, les sectes, les mégapoles. Certes, il est aussi capable de sécréter cet instinct rebelle et magnifique qui bouleverse tout. Mais comment être un rebelle aujourd’hui quand le moindre de nos gestes, de nos achats, de nos déplacements, de nos lectures, de nos animaux de compagnie, de nos idées politiques, la nourriture qu’on mange, bref, quand tout est numérisé, fiché, traité?

L’informatique est une invention fascinante et fulgurante. Ce n’est pas pour rien si les informaticiens sont souvent des «hackers» en puissance, si l’Internet et les jeux vidéo sont la proie des rebelles et des pirates. Il va falloir choisir son camp. La guerre qui commence est capitale, c’est une guerre de pouvoir, car celui qui contrôlera la machine connaîtra le futur.

(1) 3D parce qu’on peut se diriger en tout point de ce décor; temps réel, parce que les déplacements du joueur sont calculés en direct suivant ses ordres, contrairement à la 3D précalculée où les déplacements possibles sont déjà intégrés par le programme.

Philippe ULRICH

Pas de panique, voilà la leurrotique.

Par Philippe ULRICH — 

Vivre dans un monde où le temps n’a pas de prise, où le corps n’est

qu’avatar » La réalité alternative est un leurre total, qui s’inscrit dans l’évolution naturelle de la technologie. Nous passons plus de la moitié de notre vie hors de la dure réalité. Dans le sommeil peuplé de rêves, devant la télé qui trompe nos sens, les médias qui nous racontent l’incroyable histoire du monde réel, les romans, le cinéma, l’alcool, les psychotropes, les fantasmes, toutes ces choses qui réagissent comme des sortes de leurres.

Depuis quelques années, les ados goûtent à l’ivresse de ce qu’on appelle improprement les jeux vidéo. De la 2D de Sonic et Mario, on est passé à la 3D temps réel de «Quake» ou de «Golden Eye». Quiconque n’a pas joué à «Quake» en réseau ne peut comprendre les sensations de plaisir brut qu’éprouvent collectivement les joueurs qui s’adonnent à cette drogue dure.

Mais que dire de ce que vont ressentir ces mêmes joueurs lorsqu’ils seront des milliers à vivre à travers leurs avatars dans des «Eworlds» (les mondes numériques) connectés au réseau? Lorsque ces avatars n’auront plus rien a envier aux Naomi, Claudia ou aux Boys Band de tout poils. Vies infinies. Ubiquité. Liberté. Communion planétaire. Avoir les sensations de ce corps. Vivre dans un monde où le temps n’a pas de prise, où chacun de nous peut rencontrer l’autre où qu’il soit. Se balader à Virtual-Tokyo avec un corps de geisha, semer la terreur dans Virtual-Bronx avec un corps de loup. Visiter la planète Mars avec un corps de droïde. Aller à l’université chez soi dans le village planétaire. Voir Thèbes à l’époque de Ramsès III. Utiliser les prothèses technologiques pour explorer l’espace, contrôler à distance une F1. Le tout dans la réalité d’une chambre d’étudiant.

C’est un fait: les directions prises par les informaticiens à la pointe de la recherche en matière d’Internet vont toutes dans le même sens, le leurre total s’inscrit dans l’évolution naturelle de la techno. Il suffit d’une visite du Solido au Futuroscope de Poitiers pour avoir une idée des leurres visuels qui nous attendent, si on y ajoute l’immersion que procure l’image 3D temps réel connectée au réseau, on a un aperçu de la révolution qui se prépare. Même si les expériences de réalité virtuelle basées sur les casques lourdingues semblent peu convaincantes, l’image 3D porte en elle les composants de la vision stéréoscopique: aucune modification n’est à faire sur les logiciels pour voir en relief. Si les machines doublent leur puissance l’année prochaine, il deviendra évident de doubler les caméras virtuelles pour surfer en relief.

La réalité alternative n’a jamais aussi bien porté son nom, nous allons être confrontés à l’inexistence d’une nouvelle dimension de l’espace, inexistence morale, physique, économique, légale. Un leurre de réalité dans lequel nous devrons apprendre à distinguer le vrai du faux et dont «le Deuxième Monde» (1) n’est qu’une très pâle esquisse.

A l’heure où le débat sur la réduction du temps de travail secoue le microcosme politique dans le monde bien réel, une réflexion me vient à l’esprit. Si notre destinée est de confier les moyens de production aux automates, aux logiciels, aux systèmes de communication, pour que ces mêmes technologies nous enveloppent à l’état d’ange dans des leurres virtuels, autrement dit, si on diminue les hordes de travailleurs pour les aligner en bataillons d’avatars sur les autoroutes de l’information, on a une idée des exodes auxquels sera confrontée l’humanité future. Le bain de plaisir qui nous attend me fait penser à ces leurres qu’on observe dans la nature. Cette plante qui prend la forme de la femelle de l’insecte pour répandre son pollen. Le pauvre insecte qui jouit de ce qu’il croit être sa femelle ne saura jamais qu’il est le sexe de la plante.

De vous à moi, quand je joue avec Ulikan, mon ordinateur, je pense à l’insecte.

La leurrotique a un bel avenir.

(1) Le Deuxième Monde est un jeu en ligne produit par Canal+ et conçu par Cryo Interactive.

Philippe ULRICH

Manifeste pour un parti techno. L’ordinateur peut tout remplacer, tout changer. Pour faire face à cette multirévolution, une classe politique nouvelle doit émerger.

Par Philippe ULRICH — 

Aucun philosophe, sociologue, politicien ou autre intellectuel ne peut comprendre notre société et son évolution s’il n’intègre pas une dimension technologique dans sa réflexion. Cette vérité range dans les placards de l’histoire bon nombre d’intellectuels qui ne se sont pas penchés sur les mécanismes et le fonctionnement des technologies informatiques. Contrairement aux idées reçues, nous ne sommes pas confrontés à une révolution classique comme l’ont été l’écriture, la locomotive ou l’atome, qui ont en leur temps changé les règles du jeu une bonne fois pour toutes. La Techno nous confronte à une multirévolution permanente, homéopathique, capillaire. Chaque application issue du transfert mental entre les programmeurs et l’ordinateur, l’homme et la machine, a le potentiel de bouleverser nos vies, nos habitudes sans que nous ayons le temps de réfléchir une seconde aux conséquences et ce dans tous les domaines: médecine, travail, éthique, organisation sociale, loisirs, délinquance, argent, culture, éducation, médias, sciences, communication, transport, sexualité, conquête spatiale, météo, art. L’ordinateur peut tout faire, tout changer, tout remplacer.

La révolution Techno, outre sa permanence et sa capillarité, a la remarquable faculté de sécréter dans la société de puissants soporifiques. Pendant que des milliers de sociétés de développement mettent au point des applications robotisantes à peine croyables, la Techno montre son beau visage: la génération des 90’s s’immerge dans les jeux vidéo, bain de plaisir compact et prémonitoire, les dollars coulent à flot sur la tête des concepteurs et des responsables arrivés là par hasard, le multimédia s’affiche comme une modernité tapageuse à la mode, le cinéma draine les foules dans ses vertiges d’images synthétiques, tout ceci au rythme impeccable et jubilatoire des machines de Daft Punk.

Le fascinant Internet né sous les yeux ébahis de sa multitude de concepteurs humains (premiers surpris par l’avènement de ce prodige imprévu et imprévisible) a déjà transformé la quincaillerie informatique des 80’s en un seul bloc planétaire de cyberespace de métapensée de deuxième monde hallucinogène. Nous sommes passés en quelques années de la calculette à la réalité alternative dans laquelle chacun de nous peut déjà changer de corps, mourir mille fois, se téléporter d’un bout du monde à l’autre, faire l’amour, tout apprendre, tout voir, tout posséder.

Il faut une génération humaine pour produire un homme politique, trente ans pour qu’un petit humain intègre la connaissance de ses aînés sans que le fils ait la moindre chance de doubler la capacité intellectuelle de ses parents. En informatique et selon la loi de Moore, chaque année voit apparaître une génération d’ordinateurs deux fois plus puissante que la précédente et qui intègre toute la connaissance de la précédente. Si je sais conduire une voiture à 200 km/h, l’an prochain elle fera du 400 et l’année d’après du 800. Problème: nous ne savons pas conduire une voiture à 800 à l’heure. Nous avons trois ans pour apprendre. Sans compter qu’elle ira à 4 400 km/h dans six ans » Les partis politiques ont pour mission de préparer, d’imaginer, et de proposer la meilleure vie possible aux citoyens. Ils ont pour mission de révéler des hommes nouveaux, compétents, capables de gouverner. Or, gouverner c’est prévoir. Prévoir aujourd’hui consiste forcément à intégrer dans le débat une réflexion planétaire sur l’explosion et l’émergence Techno.

La génération qui monte doit s’imposer à travers des idées neuves et conformes à son époque. Un Parti Techno est le creuset idéal pour susciter l’émergence d’une nouvelle race de jeunes hommes et femmes politiques, capables de générer l’adhésion et l’enthousiasme d’une jeunesse en mal d’idéal, perdue dans le «no future» et le «no present» des vapeurs de l’ecstasy ambiante.

Pour ma part, j’ai déjà la carte mère.

Philippe Ulrich (p.ulrich@cryo-interactive.com) est le fondateur et directeur artistique de Cryo Interactive (conception de CD-Rom et de jeux vidéo).

Philippe ULRICH